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ennemis eussent été plus résolus et plus braves, il est à croire que nous n’eussions pu nous préserver aussi longtemps ; mais ils agissaient sous le coup d’une préoccupation qui nous fut soudainement révélée, lorsque, au milieu d’un de ces silences plus redoutables que leurs efforts ostensibles, nous entendîmes une voix crier de loin :

Les voilà !

Nous prêtâmes l’oreille, c’était le lourd galop des carabiniers sur les pavés volcaniques de la voie latine.

— Nous sommes sauvés ! dit le berger en faisant le signe de la croix. Voilà du secours ; notre bataille a été entendue !

— Nous sommes perdus ! dit Felipone.

— Non, non, reprit Onofrio ; nos bandits prennent la fuite ; voyez, voyez ! Je le savais bien qu’ils agissaient sans ordres ! Poursuivons-les ! à moi, Lupo ! à moi, Télégone !

— Ami ! s’écria Felipone en l’arrêtant, les carabiniers ne doivent pas savoir que vous m’avez vu cette nuit, non plus que mon camarade. Restez ici, nous fuyons !

— Je ne vous ai pas vus ? demanda le berger sans curiosité ni surprise hors de propos, mais du ton et de l’air d’un homme qui reçoit aveuglément sa consigne.

— Non ! adieu ! Les bandits ont voulu vous dévaliser ; vous vous êtes défendu tout seul. Si on les prend, et s’ils vous contredisent, vous tiendrez bon. On vous connaît, on vous croira. D’ailleurs, Dieu vous récompensera, ami, et vous savez que Felipone n’est pas ingrat ! Au revoir !

— La paix soit avec vous ! répondit le berger. Si vous ne voulez pas qu’on vous voie, entrez dans les châtaigniers, et filez jusqu’au buco de Rocca-di-Papa.

— Il a raison, me dit le fermier, car voici le jour, et il est trop tard pour rentrer à Mondragone. Venez !

Nous nous élançâmes dehors. Il nous fallut enjamber la