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cuivré, encadré d’une barbe blonde, peut sourire ; à moins qu’ils n’y mettent le feu, nous y sommes à l’abri de leurs cailloux, et mes paillassons sont à l’épreuve de la balle. Et puis, tenez, ajouta-t-il en retirant du mur certains gros bouchons de paille, voilà, sur chaque face, un trou pour passer le fusil et voir où l’on vise : c’est de mon invention, il est bon qu’un berger soit fortifié comme cela pour défendre ses brebis. À présent, ajouta-t-il quand il nous eut postés, mon avis est de ne pas laisser approcher l’ennemi. Faisons feu aussitôt que nous pourrons viser.

— Non ! dit le fermier, ne faisons feu qu’à la dernière extrémité.

— Pourquoi ça ? reprit Onofrio. Le bruit attirera les carabiniers de Mondragone qui viendront à notre secours. Il paraît, Felipone, qu’ils vous gardent là dedans un jeune homme bien dangereux, un ennemi de la religion qui a tiré sur le pape ?

C’est ainsi que mon aventure était racontée dans les prairies de Tusculum. Je ne pus m’empêcher de sourire en songeant à l’effroi du bon berger, s’il eût pu reconnaître ce scélérat dans le pauvre peintre dont il avait serré la main quelque temps auparavant, et auquel il donnait maintenant asile et protection au péril de sa vie.

— Oui, oui, c’est un grand misérable que ce prisonnier, dit Felipone, sans se départir un seul instant de sa belle et joyeuse humeur. Mais songeons à ceux qui sont là. Je commence à les voir, et voilà vos chiens qui recommencent à être furieux. Si nous les lâchions sur cette canaille ?

— Ils me les tueront, avec leurs pierres, dit Onofrio avec un soupir. Je crois que j’aimerais mieux être tué moi-même. Pourtant, s’il le faut, nous verrons !

Tout à coup, une voix âpre, une voix blanche, fêlée comme celle de beaucoup d’Italiens à formes athlétiques,