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— Pardon mille fois, lui dis-je en la saluant ; mais Felipone m’attend, et je ne puis souffrir qu’il s’expose pour moi à rentrer trop tard.

Je pris congé du prince et du docteur, qui me pressèrent encore de partir avec eux. Je me pressai, moi, de remonter sur Vulcanus et de reprendre avec Felipone le chemin de Mondragone.

Dès que nous fûmes seuls ensemble, notre marche n’étant plus embarrassée par les précautions à prendre pour une femme, et nos chevaux s’animant à l’idée de retourner chez eux, nous marchâmes si vite, qu’en moins d’une heure nous nous trouvâmes au pied des hauteurs de Tusculum.

La lune était couchée, le temps se voilait, et nous éprouvions cette sécurité que l’on trouve dans la protection de l’ombre et de la solitude. Nous commencions à gravir au pas l’escarpement de l’antique citadelle latine, lorsque Felipone, avec qui je causais tranquillement, posa sa main sur mon bras pour m’imposer silence, en me disant tout bas : — Regardez… là-haut !

Plusieurs ombres noires se dessinaient sur le ciel auprès des rochers de la croix, au beau milieu du chemin qu’il nous fallait suivre.

Felipone n’hésita pas un instant sur le parti que nous avions à prendre. Sans perdre le temps à me l’expliquer.

— Suivez-moi, me dit-il.

Et, tournant bride, il s’enfonça dans une prairie en pente rapide qui s’étendait à notre droite, et dont nous suivîmes la lisière ombragée jusqu’à une masse sombre que je reconnus être un paillis, c’est-à-dire une de ces bergeries en paille et en bruyère dont est semé l’agro romano.

— Arrêtons-nous ici et ne bougeons pas, me dit Felipone à voix basse. Ne réveillons pas inutilement les bergers