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que d’être cause pour vous d’un petit chagrin, et, puisque vous ne regrettiez dans votre fuite que ce beau compagnon…

— Je regrette autre chose, dit Medora d’un ton singulier, c’est de n’avoir pas réfléchi… à l’ennui qu’il nous causera. Décidément, monsieur Valreg, je vous le laisse, je vous le donne ; acceptez-le comme un souvenir de moi.

— Eh ! bon Dieu ! qu’en ferais-je à Mondragone ? m’écriai-je naïvement.

— Felipone le logera et le soignera ; ou bien il restera dans cette maison, où je vais dire qu’il vous appartient et que vous viendrez le reprendre.

— Vous oubliez, madame, que, soit à Mondragone, soit partout ailleurs, le soin de me nourrir moi-même l’emportera nécessairement sur celui de nourrir un quadrupède de cette taille…

— Eh bien, reprit-elle avec impatience, si c’est un embarras pour vous, vous le vendrez, il est à vous !

— Je n’ai rien fait qui vous autorise à m’offrir un présent, répondis-je, un peu impatienté moi-même de ce nouveau caprice.

Nous étions entrés dans le jardin de la petite villa, où la voiture était tout attelée et prête à partir, et le prince pressait Medora d’y monter. Il crut comprendre qu’elle désirait me récompenser de lui avoir servi de garde du corps, et il eut la malheureuse idée de me demander si je n’avais pas besoin d’argent. Il ajouta, voyant que j’étais peu disposé à avoir recours à lui, qu’il m’offrait un à-compte sur le tableau qu’il m’avait commandé.

Je répondis que ce n’était pas le moment de parler d’affaires ; que la nuit s’avançait, et que nous avions tous à faire diligence pour être hors de danger avant le jour, Medora était sur le marchepied de la voiture, et semblait vouloir prolonger cette inopportune discussion.