Page:Sand - La Daniella 2.djvu/10

Cette page n’a pas encore été corrigée

de bouche pour la journée. C’est le moment où les plus éveillés se sentent fatigués, et où l’on peut espérer de tromper la surveillance.

— Tu crois donc que, réellement, les jardins sont occupés par la police ; le moine n’a pas rêvé cela ?

— Il n’a pas rêvé, ni moi non plus. Rien n’est plus certain.

— Avoue-moi que tu en es toi-même, de la police ?

— Je ne l’avoue pas, cela n’est pas ; mais, si cela était, vous devriez en remercier le ciel ?

— Tu pourrais donc en être et ne pas vouloir me livrer ?

— On peut tout ce qu’on veut, amico mio, et quand on est à même de servir plusieurs maîtres, c’est le cœur et la conscience qui choisissent celui qu’on doit protéger contre les autres. Ah ! mossiou, cela vous semble malhonnête, et vous riez de tout ! Mais vous n’êtes pas Italien, et vous ne savez pas ce que vaut un Italien ! Vous êtes d’un pays où toutes choses sont réglées par une espèce de droit apparent qui enchaîne la liberté du cœur et de l’esprit. Chacun pense à soi, chez vous autres, et chacun se sent ou se croit en sûreté chez lui. C’est cela qui vous rend égoïstes et froids. Ici, où nous avons l’air d’être esclaves, nous travaillons en-dessous de la légalité, et nous faisons ce que nous voulons pour nous et pour nos amis. L’obligation de se cacher de ce qui est bien comme de ce qui est mal, fait pousser des vertus que vous apprécierez plus tard : le dévouement et la discrétion. Vous devriez croire en moi, qui vous ai déjà rendu de grands services et qui vous en rendrai encore.

— Il est vrai que tu m’as fait traverser à cheval la campagne de Rome pour venir ici…

— Le dimanche de Pâques ? En cela j’ai eu tort. J’aurais dû inventer quelque chose de mieux et vous empêcher de