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— En vérité ? C’est donc comme ami que tu t’occupes de ma personne ? Eh bien, je n’ai pas besoin d’ami pour le moment. Va te promener !

— Vous avez tort, mossiou ! Tu as souvent besoin d’un plus petit que soi !

— Diantre ! nous sommes érudits, même en français ! Mais quel diable de costume as-tu là ?

— Un joli costume, n’est-ce pas, Excellence ? J’ai mis ce que j’ai de mieux en toilette du matin, et je vais vous dire pourquoi. Lord B*** m’a promis hier un habillement. Je fais les commissions de la maison, et milady ne veut pas que j’aie l’air d’un malheureux.

— Eh bien, est-ce là le goût de milady, cette toilette du matin ?

— Je ne sais pas, mossiou ; mais n’importe. On m’a promis des habits, on m’en donnera. Seulement, si je me montre dénué de tout, on me jettera une vieille redingote de domestique ; au lieu que, si on me voit comme me voilà, un peu élégant, on m’offrira un habit noir, encore bon, de la garde-robe de milord.

Vous voyez que Tartaglia raisonne serré. Mais imaginez-vous son élégante toilette : un habit de bouracan vert-olive gansé de noir, rapiécé de vert-bouteille aux coudes ; un pantalon pareil, rapiécé de vert-billard aux genoux. Cela fait la gamme de tons la plus étrange et la plus fausse. Ajoutez à cela un jabot de mousseline et des manchettes énormes, très-blanches, bien-plissées, mais percées de trous gigantesques ; une corde grasse, qui fut jadis une cravate de soie, et une sorte de berret, autrefois blanc, aujourd’hui couleur des murailles de Rome, objet de goût, qu’il a rapporté de ses voyages ; enfin, une épingle de corail de Gênes au jabot et une bague de lave du Vésuve au doigt. Cet ajustement de sa petite personne à grosse tête, ornée d’une affreuse barbe dure et