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sortie pour être travaillée et employée par la main de l’homme, cette pierre devient un monument, un être, un témoin, et nous la retournons dans tous les sens pour y trouver une inscription, une simple trace qui soit une voix ou une révélation.

C’est là, je crois, en dehors de l’effet pittoresque, le grand attrait des ruines, la curiosité ! J’avoue que je suis très-las des réflexions imprimées, sur les destins de l’homme et la chute des empires. Ce fut la grande mode, il y a quelque quarante ans, sous notre empire à nous, de pleurer les vicissitudes des grandes époques et des grandes sociétés. Pourtant, nous étions nous-mêmes grande société et grande époque, et nous touchions aussi à des désastres, à des transformations, à des renouvellements. Il me semble que regretter ce qui n’est plus, quand on devrait sentir vivement que l’on doit être quelque chose, est une flânerie poétique assez creuse. Le passé qui, en bien comme en mal, a eu sa raison d’être, ne nous a pas laissé ces témoignages, ces débris de sa vie, pour nous décourager de la nôtre. Il devrait, en nous parlant par ses ruines, nous crier : Agis et recommence, au lieu de cet éternel Contemple et frémis, que la mode littéraire avait si longtemps imposé au voyageur romantique des premiers jours du siècle.

L’illustre Chateaubriand fut un des plus puissants inventeurs de cette mode. C’est qu’il était une ruine lui-même, une grande et noble ruine des idées religieuses et monarchiques, qui avaient fait leur temps. Il eut des velléités généreuses comme il convenait à une belle nature d’en avoir. L’herbe essaya souvent de pousser et de reverdir sur ses voûtes affaissées ; mais elle s’y sécha malgré lui, et, comme un temple abandonné de ses dieux, sa grande pensée s’écroula dans le doute et le découragement.

Mais me voici bien loin de Pise. Non, pas trop cependant :