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cloître où un pâle rayon de soleil est venu un instant dessiner les ombres portées de la découpure gothique, ces profondeurs où gisent mystérieusement des tombes romaines, des cippes grecs, des vases étrusques, des bas-reliefs de la renaissance, de lourds torses païens, de fluettes madones du Bas-Empire, des médaillons, des sarcophages, des trophées, et ces fameuses chaînes du défunt port de Pise, conquises et rendues par les Génois ; l’herbe fine et pâle du préau, où quelques violettes essayaient de fleurir ; tout, jusqu’à cette charpente sombre qui ne finit rien, mais qui ne gâte rien, compose un lieu solennel, plein de pensées, et d’un effet pénétrant. Fiez-vous donc à vos belles photographies, qui nous faisaient dire : « L’effet embellit tout ; la réduction aussi embellit peut-être les objets.» Non ! la magie du soleil n’est pas la seule magie du Campo-Santo. On le regarde sans trop d’ébahissement, mais on l’emporte avec soi.

La cathédrale est un autre musée, encore plus précieux, des arts sacrés et profanes. Les mosaïques byzantines des voûtes sont d’un grand effet ; mais la mosaïque de marbre du pavé central m’a donné un certain frisson de respect. C’est la même que celle du temple d’Adrien. Elle était là, servant au culte des dieux antiques, avant qu’une église eût remplacé le temple ; elle avait été foulée, usée déjà par les prêtres de ce dieu Mars dont la statue est là aussi, baptisée du titre et du nom de Saint-Ephèse. Ah ! si ces pavés pouvaient parler ! que de choses ils nous raconteraient que notre imagination s’inquiète de ressaisir !

Mais les eaux de l’Arno ou les croupes des monts pisans en ont vu davantage, me direz-vous. — Je vous répondrai que nous ne sommes jamais tentés d’interroger la nature brute sur les destinées humaines. Nous savons qu’elle gardera son secret ; mais, du moment que, de ses flancs, une pierre est