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heure. J’ai réussi à l’accoster ; mais sa chère tante, n’ayant plus le mal de mer, est venue me l’enlever ; vous pouvez les voir là-bas qui se moquent de nous !

Je regardai la tante, qui m’avait paru vieille, hier, mais qui, débarrassée de ses coiffes et de l’affreux abat-jour vert que les Anglaises mettent maintenant en voyage autour de la passe de leur chapeau, est une assez jolie femme grasse, sur le retour. La princesse avait, en effet, arrangé ses magnifiques cheveux bruns d’une façon très-artiste et daignait nous les laisser admirer, en tenant à la main son petit chapeau de paille à rubans de velours vert. Du reste, ces deux dames ne me paraissaient faire aucune attention à nous.

— Et, maintenant, dis-je à Brumières, puisque vous étiez si intrigué, vous savez du moins qui elles sont ? vous avez eu le temps de vous en enquérir ?

— La tante est une Anglaise pur sang, répondit-il. La nièce n’est peut-être pas sa nièce. Voilà tout ce que je sais. Leurs bagages sont au fond de la cale ; pas un nom, des chiffres tout au plus, sur leurs nécessaires de voyage. Le domestique ne sait pas un mot de français, et je ne sais pas un mot d’anglais ! Quant à la soubrette italienne, elle est malade, à ce que prétend Benvenuto.

— Qui ça, Benvenuto ?

— Votre harpiste ! il s’appelle Benvenuto, l’animal ! J’espérais qu’il me serait utile. Il avait flairé ma préoccupation sentimentale, et, venant au-devant de mes désirs, il se mettait au service de ma passion avec cette inimitable courtoisie et cette délicieuse pénétration qui caractérisent certaine classe d’hommes très-employés et très-répandus en Italie… sur les sept collines, particulièrement ; mais je soupçonne le drôle d’avoir bu ma bonne-main et de ronfler sous quelque malle. Bref, je ne sais rien du tout, sinon que