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milliers ; mais personne ne s’occupe de les détruire. Ils ne piquent que lorsqu’on les irrite, et les accidents sont rares, à ce que l’on m’a dit.

Du reste, la rareté des insectes me frappe dans ce pays de jardins. Aujourd’hui, pour la première fois, je vois voler, autour du casino, un papillon qui n’est pas de nos climats. Il est extrêmement joli. Je crois qu’on l’appelle thaïs ; mais je n’en suis pas sûr. Je n’ai que la mémoire des yeux. Je connais de vue tout ce qui fleurit ou voltige dans les endroits que j’ai habités quelque temps ; je ne retiens aucun nom…

J’en étais là de mon journal lorsque… Mais je suis encore interrompu, et ce qui m’arrive demande un autre chapitre que je vous écrirai demain, si je puis.




XXXI


Mondragone, 24 avril.

Tout en écrivant, avant-hier, je regardais tranquillement le vol mou et comme indécis du papillon thaïs égaré sur les herbes inodores de la muraille. J’étais sur la terrasse du casino, le dos tourné au portique de Vignole, lorsqu’un léger bruit me fit tressaillir et tourner la tête : Tartaglia était debout derrière moi.

— Ô Brumières, Brumières, pensai-je, vous me l’aviez prédit ! nulle part je ne serai à l’abri de l’espionnage de cet homme !

Un instant, j’eus la pensée de le prendre à bras le corps, sans lui rien dire, et de le précipiter par-dessus la balustrade de la terrasse. Il vit le tremblement convulsif qui contractait mes lèvres, au point de m’empêcher de parler, et pâlit un instant ; mais, reprenant vite son audace habi-