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Quelquefois aussi, en allant et venant sons les yeux de ses ouvrières, elle agite et frappe son tambour de basque, comme prise d’un vertige de gaieté. Quant le vent vient du couchant, il m’apporte cet appel amoureux qui me fait tressaillir et trembler de bonheur.

Le temps se maintient magnifique, et ce climat est délicieux au moment où nous sommes. Pourtant, il ne faut pas se faire trop d’illusions : c’est à peu de chose près, quant à présent, la température du centre de la France ; il y a tout au plus huit jours d’avance sur la floraison des arbres fruitiers, et j’ai laissé la Provence plus avancée, sous ce rapport, que ne l’est la campagne de Rome aujourd’hui. Ce qui trompe la sensation dans ce pays-ci, c’est l’éternelle verdure des arbres à feuilles persistantes. Dans l’immense parc que j’ai sous les yeux, tout est chênes verts, pins, oliviers, bois et myrtes. Les âcres parfums des diverses espèces de lauriers qui abondent à l’état d’arbres en fleur montent jusqu’à moi au point d’être quelquefois incommodes. C’est une très-bonne senteur d’amande amère, mais trop violente. Des milliers d’abeilles bourdonnent au soleil. Le ciel est d’un bleu étincelant. À midi, on se croirait en plein été ; mais la mer et les montagnes amènent incessamment des nuages superbes, qui, tout à coup, rendent l’air très-frais. Les oiseaux ne songent pas encore à bâtir leurs nids ; les papillons de ces climats ne sont pas en avance et ne font pas leur apparition plus tôt que chez nous. Les châtaigniers et les platanes ne font que bourgeonner ; les taillis de chênes ne songent pas encore à dépouiller leur feuillage sec de l’année dernière. Mon oncle le curé avait donc raison en me disant qu’à Rome les arbres ne poussaient pas les racines en l’air et que notre pays en valait bien un autre. Mais, fût-il ici, il ne pourrait comprendre combien la physionomie du moindre caillou diffère de celle d’un caillou de chez