Page:Sand - La Daniella 1.djvu/323

Cette page n’a pas encore été corrigée

laissés par les ouvriers, une scie, un marteau, des tenailles, etc., et j’ai choisi, dans le bois dépecé pour la menuiserie, les matériaux au moyen desquels je pourrai me fabriquer, tant bien que mal, une espèce de chevalet. Élevé à la campagne, je ne suis pas plus maladroit qu’un autre, et il ne me faudra pas beaucoup de temps pour devenir le Robinson de ma solitude.

Je suis sûr, pourtant, que vous riez de mes préoccupations d’installation et d’outillement dans mes ruines. Moi aussi, j’en ris ; ce qui ne m’empêche pas de m’en amuser sérieusement. Daniella songe bien à mon café ! Je trouve charmant de m’établir comme un artiste paisible et bourgeois, dans les conditions qui semblent le plus exclure le bien-être du corps et de l’esprit. Et, si vous y réfléchissez, vous verrez combien ce sentiment-là est naturel, et comme l’idée d’un certain arrangement des choses, fût-ce dans une grotte de rochers, égaye la vie et provoque l’activité humaine.

Quand je me suis vu muni de tout ce qui m’était nécessaire, j’ai songé au moyen de scier et de clouer sans faire de bruit. J’ai essayé mon marteau, enveloppé d’un lambeau de tablier de cuir abandonné par les charpentiers ; mais, de mon atelier, je domine tous les environs, et, bien que les jardins soient presque toujours déserts autour de Mondragone, la petite ferme située tout au bas de l’allée de cyprès, c’est-à-dire à un quart de lieue environ, doit entendre chanter les grandes girouettes de la terrasse. Donc, je dois renoncer au marteau, et demander à Daniella de m’apporter des clous à vis et des vrilles. Quant au bruit moins retentissant de la scie, j’irai me servir de cet outil dans le Pianto, où j’ai remarqué qu’aucun bruit du dehors ne pénètre ; d’où je conclus qu’aucun bruit n’en doit sortir.

Ne pouvant rien commencer aujourd’hui, j’ai fait une nouvelle tournée à un autre point de vue. Il s’agit de savoir si,