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une immense perte de temps que d’attendre les beaux jours de l’exubérance. Si nous n’avons qu’accidentellement du soleil dans l’âme, nous avons toujours, quand nous la cultivons un peu, cette tranquille et laborieuse petite volonté dont vous aussi, mon ami, vous m’avez raillé quelquefois. Tant il y a qu’aujourd’hui me voilà prisonnier dans des murailles, c’est-à-dire dans des lignes, des aplombs, des angles et des parallèles ; que tout cela produit, dans l’ombre et dans la lumière, des effets magiques, et que je suis bien content d’être adroit et habile, en attendant mieux.

J’ai donc passé deux heures à me promener dans tous les sens et à contempler les effets. Je n’avais que l’embarras du choix. Il s’agit de commencer par quelque chose, et je suis fixé pour demain ; mais vous savez, mon ami, que l’on ne peut pas travailler exclusivement devant la nature. Elle ne pose pas toujours devant nous, et même elle pose à peu, qu’elle nous désespère. C’est un modèle qui ne reste pas un instant éclairé comme l’instant d’auparavant. Il faut prendre l’effet au vol, et interpréter ensuite avec le sentiment. J’avais donc besoin d’un atelier pour travailler da me, comme on dit ici, et je me suis mis à le chercher.

Certes, le local ne manque pas, et, pour cela aussi, je n’avais que l’embarras du choix. Je me suis décidé pour une salle immense et d’une fort belle coupe, située au premier, du côté sud ; au troisième, du côté nord, tout au beau milieu du grand pavillon. Ce doit avoir été là, jadis, la chapelle papale. Elle n’a plus que quatre murs, et pas mal de trous que je suis occupé à boucher avec des planches, laissant à découvert tes ouvertures qui me donnent un beau jour et qui sont placées trop haut pour inquiéter ma Daniella. Il y a ici, à discrétion, du bois de travail en partie débité, des échelles, des planches et des tréteaux de toute dimension. J’ai trouvé même quelques vieux outils élémentaires