Page:Sand - La Daniella 1.djvu/306

Cette page n’a pas encore été corrigée

rire, et la sécurité de ma compagne me rappela les pas que j’avais cru entendre. Je songeai alors à lui en faire part.

— C’est quelque rat, me dit-elle en riant. Il est impossible que, sans les clefs, personne entre dans l’endroit que tu appelles le Pianto.

— Il y a pourtant là, sous les arcades, un appartement clos de volets et de grilles où je n’ai jamais pu entrer ce matin, et où quelqu’un pourrait s’être installé comme je le suis ici.

— Et Olivia ne le saurait pas ? À d’autres ! Olivia fait sa tournée trop souvent pour qu’on la trompe ; et, d’ailleurs, ses clefs ne la quittent jamais. Je suis la seule personne au monde à qui elles les ait jamais confiées. Quant à ce qu’il te plaît d’appeler un appartement, c’est-à-dire aux caves qui sont au-dessous du petit cloître, et qui communiquaient autrefois avec les grandes cuisines situées sous le terrazzone, précisément Olivia m’en parlait ce matin. « Ne va pas là sans lumière, me disait-elle, car il y a des chambres souterraines dont les escaliers sont complètement rompus, et, si tu te souviens, il y a de quoi se tuer.» Moi, je connais très-bien tous les coins et recoins de ce palais. J’y venais autrefois avec Olivia tous les dimanches, et je peux te dire que ces fenêtres qui t’intriguent donnent sur une galerie située beaucoup plus bas que le cloître, et dont on ne sortirait pas sans échelle si l’on y tombait ; car il n’y a plus d’autre issue que ces mêmes fenêtres. Je ne sais même pas s’il y en a jamais eu.

— C’était donc une prison ?

— Peut-être ! je n’en sais rien ; mais crois bien que, si je ne te savais pas en sûreté ici, je ne serais pas si gaie, si heureuse de t’y voir seul avec moi.

Elle ranima le feu, et un grillon, apporté par moi sans doute avec les copeaux, se mit à chanter d’une voix délirante.