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tenait victorieusement en selle, malgré ses jambes courtes et l’énorme manteau dont il s’était affublé.

— Ah ça ! lui dis-je, tu as été assez loin. Il n’est pas nécessaire que tu t’exposes, pour moi, à la fièvre et aux bandits. Retourne au palais, et dis à lord B*** que je n’ai pas besoin de toi. Demain, je lui ramènerai son cheval.

— Non pas, non pas, mossiou ! je ne vous quitterai pas. Je ne crains pas la fièvre avec ce bon manteau, et, quant aux bandits, que voulez-vous qu’ils fassent à un pauvre homme qui n’a pas dix baïoques dans sa poche ?

— Mais ce bon manteau pourrait les tenter, d’autant plus ! que tu l’étales avec une majesté…

— Croyez-moi, Excellence, avec des chevaux qui courent comme ceux-ci, on ne craint guère les voleurs. Tout ce que je vous demande, c’est de ne pas être fier, et de jouer des talons si nous faisons quelque mauvaise rencontre.

— Daniella, je te le promets ! m’écriai-je intérieurement. Puis je ne pus résister au désir de savoir comment les choses s’étaient passées au palais***, pour que lord B*** eût, deviné que je m’échappais encore une fois, et, malgré ma répugnance à causer avec Tartaglia, je l’interrogeai ; mais il éluda mes questions.

— Non, non, mossiou, répondit-il, pas à présent. Je vous dirai tout ce que vous voudrez, quand nous verrons les premières maisons de Frascati ; mais, croyez-moi, c’est moi que je vous dis qu’il ne fait pas bon aller au pas et causer dans la campagne de Rome quand le jour est fini. Marchons, et, si vous voyez du monde sur le chemin, ne vous gênez pas pour prendre un joli petit galop.

J’insistai pour le renvoyer :

— C’est impossible, reprit-il, ne parlez pas de cela. Milord me mettrait à la porte si je lui manquais de parole.