Page:Sand - La Daniella 1.djvu/262

Cette page n’a pas encore été corrigée

je n’aie pas la certitude du fait ; mais, enfin, telle que je la juge, je ne voudrais pas qu’elle vous en imposât par ces mensonges que la plupart de ses pareilles soutiennent avec une grande audace.

— Voyons, milord, répondis-je ; hasardant moi-même un mensonge pour m’emparer de la vérité : elle a été votre maîtresse, je le sais.

— Vous vous trompez, répondit-il avec calme ; je n’ai jamais eu cette pensée. Une maîtresse dans la maison de ma femme ? Jamais ! Fi donc !

— Alors… pour avoir l’opinion qu’elle est de mœurs faciles il faut que vous ayez des preuves…

— Je vous l’ai dit, je n’en ai pas ; mais sa figure est si provoquante, elle a si bien l’air d’une fieffée coquette de village ou d’antichambre, que, si j’eusse été tenté d’elle, je ne l’aurais jamais prise au sérieux. Nous autres, qui avons beaucoup de domestiques et qui changeons souvent de résidence, nous ne pouvons ni ne voulons surveiller des mœurs dont nous n’endossons pas la responsabilité. Voilà tout ce que j’avais à vous dire.

— Absolument tout ?

— Sur l’honneur !

Il était six heures : lady Harriet voulait me garder à dîner pour que je pusse voir ensuite l’illumination de Saint-Pierre. J’avais bien autre chose en tête que des lampions. Je prétendis avoir donné ma parole de dîner avec Brumières, lequel me démentit avec étourderie ou avec malice. Dans les deux cas, je lui en sus mauvais gré et lui témoignai de l’humeur.

— Vous êtes un drôle de corps, me dit-il en aparté, comme je lui reprochais sa désobligeance ; vous êtes méfiant comme un Italien et mystérieux comme l’amant d’une princesse. Tout cela pour cette petite fille de Frascati ! Vous