Page:Sand - La Daniella 1.djvu/257

Cette page n’a pas encore été corrigée

J’ai eu le malheur de recourir au moyen extrême contre l’ennui et la tristesse : je me suis enivré tous les soirs, seul dans ma chambre. Cela m’arrive rarement ; mais il y a des temps si sombres dans ma vie, qu’il faut bien que cela arrive. Mu femme n’en sait rien ; mais, comme je suis plus calme et plus abattu aux heures où elle me voit, elle s’impatiente davantage. J’y gagne seulement d’être plus indifférent à ses impatiences.

— Et votre nièce ? n’est elle pas un peu meilleure pour vous que par le passé ? Il m’avait semblé, le jour de notre promenade à Tivoli, qu’elle y était disposée ?

— Vous vous serez trompé. Ma nièce, c’est-à-dire la nièce de ma femme, est d’une humeur massacrante depuis votre départ. C’est à croire, Dieu me damne ! qu’elle était amoureuse de vous… et, s’il faut vous dire tout…

Je me hâtai d’interrompre lord B***. Il a des moments de trop grande expansion, comme doit les avoir un cœur trop souvent refoulé, et je ne veux pas savoir par lui ce que je sais par moi-même.

— Si une pareille maladie avait pu s’emparer du cerveau de miss Medora, lui dis-je, il est à croire que cela n’aurait pas survécu à mon départ.

— C’est ce que je me suis dit. Elle a, d’ailleurs, tant monté à cheval avec un de nos cousins qui est arrivé cette semaine, qu’elle doit avoir secoué rudement ses vapeurs. À vous dire vrai, c’est aujourd’hui seulement, depuis cinq jours, que je suis an peu lucide. Il se pourrait que, pendant mon absence intellectuelle, Medora fût devenue amoureuse de ce cousin, qui est beau, riche et grand amateur de chevaux et de voyages. Il m’a semblé, ce matin, qu’elle était font impatiente de sortir avec lui, et que, de son côté, Richard B*** se faisait attendre avec l’impertinence d’un homme aime.

— À la bonne heure ! pensai-je ; la crise de Tivoli est oubliée,