Page:Sand - La Daniella 1.djvu/254

Cette page n’a pas encore été corrigée

confidence ; pourvu que le jardin eût une clôture réelle au delà du potager ; pourvu que l’on n’entrât et ne sortît point par la grille à claire-voie qui donne en pleine rue ; pourvu, enfin, que l’on ne risquât point de rendez-vous tous les jours de fête et les dimanches, parce que, ces jours-là, l’autre grille de Piccolomini, qui donne sur la via Aldobrandini, est ouverte au public, et que le haut du jardin sert de promenade ou de passage aux gens de la ville.

Je conclus de mes observations que le secret de mes relations futures avec la stiratrice était une plaisanterie, et j’avoue que j’entrai en méfiance contre les avertissements et les précautions illusoires de la bonne Mariuccia.

Je remontai à mon grenier, bien résolu, quand même, à risquer l’aventure, dès que je serais assuré du courage et de la résolution de ma complice.

Mais quoi ! elle était là, dans ma chambre, elle m’attendait. Elle était entrée par une porte de dégagement que je ne connaissais pas et qui aboutit aux caves de la maison. Elle avait ma bague au doigt. Ses beaux cheveux étaient ondés avec soin. Malgré une robe noire et une tenue de dévote, elle avait l’œil brillant et le sourire voluptueux d’une fiancée vivement éprise. Je me sentais violemment épris pour mon compte. J’avais soif de ses baisers ; mais elle se déroba à mes caresses.

— Vous m’avez relevée de mon vœu, dit-elle ; vous êtes venu jusque dans ma chambre m’apporter l’anneau du mariage… Laissez-moi faire mes pâques ; après cela, nous serons unis.

Je retombai du ciel en terre.

— Le mariage ? m’écriai-je ; le mariage ?…

Elle m’interrompit par son beau rire harmonieux et frais. Puis elle reprit sérieusement :

— Le mariage des cœurs, le mariage devant Dieu. Je sais bien que c’est un péché de se passer de prêtre et de témoins, mais c’est un péché que Dieu pardonne quand on s’aime.