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auprès de ma chaise pendant que je mange, j’arrivai, je ne sais comment, à reparler du vœu de la Daniella.

— Ainsi, disais-je, elle ne parlera à aucun homme avant le jour de Pâques ?

— Je n’ai pas dit comme cela. J’ai dit qu’elle ne parlerait pas à son amant avant d’avoir fait toutes ses dévotions ; mais je n’ai pas dit que, tout de suite après, elle recommencerait à lui parler.

— Ah ! oui-da ! Ainsi ce pauvre amant est condamné à attendre son bon plaisir ?

— Ou celui de la madone.

— Ah ! il arrivera un moment où la madone fera savoir qu’elle autorise… ?

— Quand toutes les fleurs seront séchées et tombées… Mais je vous en dis trop ; vous êtes un hérétique, un païen, un mahométan ! Vous ne devez rien savoir de tout cela.

Je pressai la bonne fille de s’expliquer. Elle aime à causer, et elle céda. J’appris donc que les rigueurs de la Daniella dureraient aussi longtemps que les fleurs piquées par elle dans le grillage qui protège la madone de la Tomba-di-Lucullo ne seraient pas entièrement tombées en poussière ou emportées par le vent, disparues, en un mot.

Il me vint à l’esprit de faire une folie des plus innocentes. Sur le minuit, je mis le nez à la fenêtre : il pleuvait, la nuit était noire. Le vent soufflait avec force. Toute la ville de Frascati dormait. Je m’enveloppai de mon caban, je sortis facilement de l’enclos. En escaladant les rochers au-dessus de la petite cascade, je me trouvai de plain-pied sur le chemin, vis-à-vis le parc de la villa Aldobrandini. Redescendre jusqu’à la tombe de Lucullus fut l’affaire de quelques instants. Je n’avais pas rencontré une âme. Sans la lampe qui l’éclaire toute la nuit, j’aurais eu quelque peine à retrouver, dans les ténèbres, la petite fresque de la madone. Ce pâle rayon me permit de reconnaître les jon-