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taudis, car les degrés de bois étaient couverts d’une natte de jonc très-propre, et la porte à laquelle ils s’arrêtaient était fermée, en guise de loquet, par un bout de ruban rosé passé dans deux pitons.

Je me résolus à frapper. Personne ne répondit. J’hésitai à dénouer le ruban, qui me semblait une marque de confiance respectable ; mais ce pouvait bien être aussi l’enseigne d’une demeure suspecte. Je cédai à la curiosité : j’entrai.

C’était une assez grande pièce, puisqu’elle occupait tout le carré du faite de la maison. Les murs, récemment blanchis au lait de chaux, n’avaient pour ornements qu’un crucifix, un joli bénitier de faïence ancienne et quelques gravures de dévotion. Une statuette d’ange, moulée en plaire, était posée dans une petite niche, à la tête du lit. Une grande palme bénite de la fête des Rameaux, toute fraîche encore, ombrageait l’oreiller. Le lit blanc, d’un aspect virginal, la carreau recouvert de nattes, les deux chaises de fabrique frascatine, en paille tressée et en bois orné de dorures naïves ; la table de toilette avec sa nappe garnie de grosses dentelles de coton, sa glace brillante, et tous les petits ustensiles qui attestent un soin consciencieux et même recherché de la personne ; de gros bouquets de cyclamens roses dans des vases de terre cuite, qui étaient peut-être des urnes cinéraires ; un rideau de mousseline, non encore ourlé, à l’unique fenêtre : je ne sais quel air embaumé de propreté scrupuleuse et de sensualité chaste, voilà quel était l’intérieur, tout fraîchement arrangé, de la stiratrice.

Mais étais-je bien chez elle ? Et, si j’étais chez elle, en effet, ne pouvais-je pas m’attendre à voir arriver quelque chaland initié à la honteuse signification du ruban rosé ? Était-il possible, encore une fois, qu’une jolie fille, libre d’allures et de principes comme elle paraissait l’être, comme elle l’avait été en me disant : « Espérez tout si vous m’aimez,» vécût