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prement arrangé et apporté là en cérémonie, puis tout à coup laissé sans surveillance et sans prières dans l’église ouverte à la curiosité des passants :

— C’est toujours comme cela, me dit Brumières. La mort, en Italie, n’a rien de sérieux, les honneurs qu’on lui rend ont plutôt un air de fête ; les larmes des parents et des amis n’accompagnent le défunt que jusqu’à la porte de la maison. Le reste est pour le coup d’œil, et même quelquefois pour la farce. J’ai vu autrefois, sur la grande route de la Spezia, un pauvre diable que deux hommes portaient au cimetière. Le prêtre marchait d’un air allègre, regardant les filles qui passaient et leur souriant, tout en marmottant les prières d’usage. Derrière lui et autour de lui, sautait et gambadait, sans qu’il en parût choqué ou seulement étonné, un jeune gars, vêtu de la robe noire et masqué de la hideuse cagoule, portant une grande croix de bois noir et remplissant l’office de frère de la mort. Ce garçon faisait mille contorsions burlesques, courait après les filles pour les effrayer, et les embrassait bel et bien sous le nez du prêtre, qui paraissait trouver la chose fort plaisante. Je demandai aux passants ce que cela signifiait. Cela ne fait pas de mal aux morts, me fut-il philosophiquement répondu. Et, comme je demandais si on en usait aussi cavalièrement avec tous, un bourgeois me dit : Non, sans doute ; mais celui-ci n’est pas du pays.

« Une autre fois, à Naples, continua Brumières, j’ai vu porter à l’église le cadavre d’un gros vieux cardinal, en grande pompe et à visage découvert, comme c’est l’usage. On lui avait mis une couronne de roses, et, le croiriez-vous ? du fard sur les joues, pour réjouir la vue des assistants. »

À Castel-Gandolfo, en longeant à pied les murs extérieurs d’un autre couvent, — Tenez, me dit Brumières en s’arrêtant devant une petite fenêtre grillée, voici autre