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gard clair et pénétrant que son petit œil gris attachait sur le mien.

Elle remporta la corbeille, et, à l’heure où je rentrais pour souper, car je me suis arrangé pour rester dehors le plus tard possible, je trouvai installées autour d’un brasero, dans une grande pièce du rez-de-chaussée, où la Mariuccia juge plus commode de me servir mes repas, trois personnes qui causaient, les pieds sur la cendre chaude et les coudes sur les genoux : c’était la vieille femme en haillons qui fait la perpétuelle biancheria de Mariuccia, un gros capucin de bonne mine, et une fille mince dont un grand mouchoir de laine rouge enveloppait la tête et les épaules. Les deux femmes ne se dérangèrent pas. Le capucin seul se leva et me fit des politesses qui aboutirent à l’humble demande d’un baïoque, un sou du pays, pour les besoins de son ordre. Je lui en donnai cinq, qu’il reçut avec une profonde reconnaissance.

Cristo ! s’écria la vieille femme, à laquelle il montra, d’un air naïf, cette grosse pièce de cuivre dans sa main crasseuse, quelle générosité ! et, se tournant vers moi, elle m’accabla d’une grêle d’épithètes élogieuses. Pour n’être pas enivré de ses flatteries, je lui donnai vite deux baïoques qui restaient dans ma poche, et elle se confondit en révérences et en tentatives de baisements de mains auxquelles je me hâtai de me soustraire.

Mais, voulant savoir jusqu’où allait cette misère ou cette passion pour la mendicité, je m’adressai à la jeune fille, dont je ne voyais pas la figure cachée sous son châle, et qui me semblait très-proprement habillée.

— Et vous, mademoiselle, lui dis-je en m’asseyant sur l’escabeau qu’avait laissé libre le frère quêteur à côté d’elle, est-ce que vous ne me demandez rien ?

Elle releva la tête, écarta son châle rouge, et me tendit la main sans rien dire.