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jardin, et, pour peu qu’on l’excite par des questions, elle arrive à une éloquence pétulante, accompagnée d’une mimique exaltée qui la transfigure en une sorte de pythonisse rustique. Elle est un spécimen si complet et si naïf de sa Classe et de sa localité, que je vois, mieux que dans un livre, à travers ses descriptions, ses préjugés et ses raisonnements, le caractère du milieu où je me trouve jeté.

Mais un autre type plus étrange encore aux yeux d’un homme naïf tel que moi, c’est ce quelqu’un dont il faut enfin que je vous entretienne. Aussi, je reprends mon récit où je l’ai laissé.

Hier matin, je demandai à la Mariamoda si elle avait fait blanchir mon linge.

— Certainement, dit-elle en apportant une corbeille de linge blanc, humide et frippé. La vieille femme qui m’aide à mes lessives s’en est chargée.

— C’est fort bien ; mais je ne peux pas porter ce linge sans qu’il soit repassé.

Le mot repasser m’embarrassa ; car, si je sais un peu ma littérature italienne, je n’ai pas encore à mon service tout le vocabulaire de la vie pratique, et la Mariuccia n’entend pas un mot de français. J’appelai la pantomime à mon secours, et, comme si un gueux de mon espèce eût prétendu à un grand luxe en exigeant du linge passé au fer, elle s’écria d’un air stupéfait :

— Vous voulez la stiratrice ?

— C’est cela ! la repasseuse ! Est-ce une industrie inusitée à Frascati ?

— Oh ! oui-da, reprit-elle avec orgueil ; il n’y a pas de pays au monde où l’on trouve des meilleures artisanes.

— Eh bien, confiez ceci à une de vos merveilleuses ouvrières.

— Voulez-vous que ce soit ma nièce ?

— Je ne demande pas mieux, répondis-je, étonné du re-