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l’Église, et, en même temps, je le vois tellement dévôt, que je me tiens avec lui sur mes gardes. Il est trop libre dans son langage pour n’être pas mouchard, et agent provocateur par-dessus le marché.

Mossiou ! mossiou ! dit-il en riant quand j’eus refermé la porte en lui promettant beaucoup de coups de pied quelque part si je l’y reprenais ; vous ne feriez point cela ! Je suis un Romain, moi, et, au contraire de la Medora, qui fait l’indifférente parce qu’elle est fâchée, vous faites le fâché pour cacher que vous êtes content. J’espère que vous en êtes sûr, à présent, que j’avais raison ? Vous êtes aimé ! Je ne me trompe jamais, moi ! Allez, allez, Excellence, n’ayez pas peur. En écoutant souvent par là, vous saurez comment il faut vous conduire, et je vois, à présent, que vous vous y prenez bien. Vous poussez au dépit pour faire pousser la passion. C’est bien, je suis content de vous ; mais vous, quand vous serez milord, souvenez-vous du pauvre Tartaglia.

Là-dessus, il sortit plus enchanté que jamais de lui-même.

La première parole que j’adressai à Medora, au moment du dîner, fut une louange exorbitante sur l’admirable arrangement de ses cheveux. J’étais, vous le voyez, dans une disposition d’esprit profondément scélérate ; mais il est certain que cette Daniella a un goût exquis et qu’elle est pour moitié dans les triomphes de beauté de sa maîtresse.

— Pauvre fille, pensais-je, elle aussi, elle a des cheveux magnifiques qui sont peut-être plus à elle que ceux de cette Anglaise, et on ne les aperçoit que quand son mouchoir blanc se dérange.

Dans la querelle que j’avais entendue, certes la provoquée, la méconnue et l’humiliée était cette pauvre Frascatine. N’est-ce pas une chose contre nature pour une jeune