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Avant-hier donc, vers six heures, comme je venais de rentrer pour faire un peu de toilette (car il est à peu près impossible de songer à dîner dehors, lady Harriet m’envoyant dire cent fois tous les matins qu’elle compte sur moi pour le soir), Je fus surpris de trouver cette porte ouverte et le très-remarquable berret basque de Tartaglia sur la première marche. Je l’appelai, il ne répondit pas ; mais il me sembla entendre remuer au fond de l’impasse, et j’y descendis dans l’obscurité. Quand je fus à la dernière marche, je sentis une main se poser sur mon bras.

— Que fais-tu là, coquin ? lui dis-je reconnaissant le sans-gêne de mon drôle.

— Chut ! chut ! tout bas ! me répondit-il d’un ton mystérieux. Écoutez-la, elle parle de vous !

Et, m’attirant avec lui contre la muraille, il m’y retint par le bras, et j’entendis, en effet, prononcer mon nom.

C’était la voix de miss Medora qui m’arrivait à l’oreille, comme au moyen d’un cornet acoustique, et qui disait :

— Tu déraisonnes ; il te trouve laide, et c’est une coquetterie à mon adresse, de faire semblant…

Un éclat de rire de la Daniella interrompit la jeune lady.

J’aurais dû n’en pas écouter davantage. Oh ! cela, j’en conviens, et voilà que, suivant la prédiction de Brumières, je subissais fatalement la mauvaise influence de cette canaille de Tartaglia ; mais croyez-vous qu’un homme de mon âge, quelque sérieux que l’ait rendu sa destinée, puisse entendre deux jolies femmes parler de lui, et résister à la tentation de prêter l’oreille ?

La Medora avait, à son tour, interrompu le rire de la Frascatine par une réprimande assez aigre.

— Vous devenez sotte, lui disait-elle, et prenez garde à vous ! Je ne souffrirais pas auprès de moi une fille qui aurait de vilaines aventures.