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Tout voyageur artiste a signalé la beauté des paysages neigeux sous les latitudes qui sont, pour ainsi dire, leur théâtre de prédilection. Chez nous, la neige ne parvient jamais à tout son éclat : ce n’est que dans des lieux accidentés, et en de rares journées où elle résiste au soleil, que nous pouvons nous faire une idée de la splendeur des tons qu’elle revêt, de la transparence des ombres que ses masses reçoivent. Christian était pris d’enthousiasme. Comparant le bien-être relatif du chalet (bien-être excessif quant à la chaleur) avec l’âpreté solennelle du spectacle extérieur, il se mit à songer à la vie du danneman, et à se la représenter par l’imagination au point de se l’approprier furtivement et de se croire chez lui, dans sa propre patrie, dans sa propre famille.

Il n’est aucun de nous qui, vivement frappé de certaines situations, ne se soit trouvé plongé dans une de ces étranges rêveries où le moment présent nous apparaît simultanément double, c’est-à-dire reflété dans l’esprit comme un objet dans une glace. On s’imagine qu’on repasse par un chemin déjà parcouru, que l’on se retrouve avec des personnes déjà connues dans une autre phase de la vie, et que l’on recommence en tous points une scène du passé. Cette sorte d’hallucination de la mémoire devint si com-