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geait en établissant l’empire de ses charmes sur l’ambassadeur de Russie. Quant aux dames âgées, les matinées et les après-midi se passaient pour elles en visites reçues et rendues dans les appartements respectifs avec beaucoup de cérémonie et de solennité. Là, on s’entretenait toujours des mêmes choses : du beau temps de la saison, de la magnifique hospitalité du châtelain, de son grand esprit un peu malicieux, de son indisposition, qu’il supportait avec un si grand courage pour ne pas troubler les plaisirs de ses convives, et, en disant cela, on étouffait d’homériques bâillements. Et puis on parlait politique et on se disputait avec aigreur, ce qui n’empêchait pas que l’on ne parlât religion d’une manière édifiante. Le plus souvent on disait aux personnes qui venaient d’entrer tout le mal possible de celles qui venaient de sortir.

Les seuls esprits qui pussent lutter avec succès contre le froid de cette atmosphère morale, c’était une vingtaine de jeunes gens des deux sexes, qui, avec ou sans l’agrément de leurs familles, avaient vite noué entre eux des liaisons de cœur plus ou moins tendres, et qui, par leur libre réunion à presque toutes les heures du jour, se servaient de chaperons ou de confidents les uns aux autres. À cette bonne jeunesse se joignaient quelques personnes