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que possible, il la regarda comme inaccessible à des pas humains, et se dirigea plus loin.

Cependant la voix recommençait son chant plaintif, et Christian s’amusa ou plutôt s’impatienta à chercher la chanteuse, de place en place, dans le petit chaos formé par les blocs granitiques ; mais, chaque fois, ce fut pour lui une déception nouvelle, à ce point qu’il en fut un peu ému. Ce chant sauvage, ces fragments d’une noire apocalypse tronqués et comme inspirés par le délire, dans ce lieu sinistre et à cette heure mélancolique du soir, avaient quelque chose d’effrayant, et Christian pensa involontairement à ces sorcières des eaux dont l’existence fait le fond de toutes les légendes suédoises et même celui de la croyance populaire dans tout le nord de l’Europe.

Il se persuada alors que la voix devait sortir du donjon même. Il y avait peut-être là, dans quelque geôle, une personne captive, et par trois fois il l’appela au hasard en lui donnant le nom mythologique de Vala, c’est-à-dire de sybille, qu’elle semblait vouloir s’attribuer dans son chant. Dès lors la voix redevint muette, ce qui semblait d’accord avec la tradition superstitieuse du pays, que, quand on vient à bout d’appeler par leur nom les esprits grondeurs ou plaintifs des montagnes, on les intimide ou on les