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veau du lac et cinquante au-dessus de la cime des galets. Il ne faisait pas très-froid, et Christian, qui avait toujours un petit album dans sa poche, se mit à esquisser lestement le profil de la tour, avec son grand escarpement sur le roc et son chaos de gigantesques galets, dont l’entassement fortuit laissait, comme dans celui des grès de Fontainebleau, des galeries et des passages couverts, d’un effet très-bizarre.

Pendant qu’il étudiait ce site caractérisé, Christian entendit chanter et n’y fit pas d’abord grande attention. C’était une voix rustique, une voix de femme, assez juste, mais voilée et souvent chevrotante, comme celle d’une personne âgée ou débile. Elle semblait psalmodier une sorte de cantique dont la mélancolique mélodie avait quelque chose d’agréable dans sa monotonie. Ce chant, triste et grêle, berça pendant quelque temps l’esprit de l’artiste, et le tint dans une disposition particulièrement propre à comprendre et à rendre la nature d’un site avec lequel la voix semblait être en parfaite harmonie. D’abord les paroles étaient confuses pour Christian ; cependant, comme il les écoutait machinalement, il les comprit peu à peu, car il reconnut que c’était du suédois prononcé avec l’accent dalécarlien. Bientôt les paroles lui parurent si étranges, qu’il les écouta avec plus d’attention.