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poche et entama mon pain et mon fromage. Quand il eut mangé en silence, il me remercia en peu de mots assez honnêtes, et j’eus la curiosité de savoir la cause de sa détresse. Il se nommait je ne sais plus comment, et avait pour nom de guerre Puffo. Il était de Livourne, ce qui, en Italie, est une mauvaise note pour les gens d’une certaine classe. Aux yeux de tout marin du littoral méditerranéen, Livornese est synonyme de pirate. Celui-ci justifiait peut-être le préjugé : il avait été marin et quelque peu flibustier. Il était maintenant saltimbanque.

» Je l’écoutais avec assez peu d’intérêt, car il racontait mal, et ces histoires d’aventurier ne valent que par la manière dont on les dit ; au fond, à bien prendre, elles se ressemblent toutes. Cependant, comme cet homme me parlait de son théâtre improductif, je lui demandai quelle sorte de représentations il donnait.

» — Mon Dieu, me dit-il, voilà ce que c’est, et c’est bien la plus mauvaise affaire que j’aie faite de ma vie ! Le diable emporte celui qui me l’a mise en tête !

» En parlant ainsi, il tira de son sac une marionnette, qu’il jeta avec humeur sur la table.

» Je laissai échapper un cri de surprise : cette marionnette, hideusement sale et usée, c’était mon