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Il y a quelque chose de juste dans l’opinion du bourgeois qui peut dire au comédien : « Tu me parles de vertu, d’amour, de dévouement, de raison, de courage, de bonheur ! C’est ton état d’en parler ; mais, puisque ton état ne te donne que la parole, n’exige pas que je voie en toi autre chose qu’un vain discoureur. Si tu es quelque chose de plus, descends de ces tréteaux tout à l’heure et m’aide à arranger ma vie comme tu réussis dans ta pièce à arranger ta fiction. Guéris ma goutte, plaide mon procès, enrichis ma maison, marie ma fille avec celui qu’elle aime, place mon gendre, et, si tu n’es pas bon à tout cela, fais-moi des souliers ou pave ma cour ; fais quelque chose enfin en échange de l’argent que je te donne. »

— D’où tu conclus ?… dit M. Goefle.

— D’où je conclus qu’il faut que tout homme ait un état qui serve directement aux autres hommes, et que le préjugé contre le comédien et le fabulateur en général cessera le jour où le théâtre sera gratuit, et où tous les gens d’esprit capables de bien représenter se feront, par amour de l’art, fabulateurs et comédiens à un moment donné, quelle que soit d’ailleurs leur profession.

— Voilà, j’espère, un rêve qui dépasse tous mes paradoxes !