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rend pas de services effectifs en tant que comédien et les hommes ne s’estiment entre eux qu’en raison d’un échange de services. Considérez que toutes les autres professions sont étroitement liées au sort de chacun dans la société, même le prêtre qui, pour les incrédules, est encore l’officier indispensable à leur état civil. Quant aux autres fonctionnaires, chaque homme voit en eux son espoir ou son appui à un moment donné. Le médecin lui fait espérer la santé, le juge et l’avocat représentent le gain de sa cause, le spéculateur peut lui donner la fortune, le commerçant lui procure les denrées, le soldat protège sa sécurité, le savant favorise les progrès de son industrie par ses découvertes, tout professeur d’une branche quelconque des connaissances humaines lui offre l’instruction nécessaire aux divers emplois : le comédien seul lui parle de tout et ne lui donne rien… que de bons conseils qu’il lui fait payer à la porte, et que son auditeur eût pu prendre gratis de lui-même.

— Eh bien, s’écria M. Goefle, quel est cet ergotage ? Ne sommes-nous pas d’accord ? Tu ne fais que prouver que ce que je disais. Tout ce qui est imagination et sentiment est méprisé par le vulgaire.

— Non, monsieur Goefle, mais le sentiment infécond, l’imagination improductive ! Que voulez-vous !