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cinq jours. Si vous me surpreniez dans mon cabinet, rentrant de l’audience, criant après ma gouvernante qui ne m’apporte pas mon thé assez vite, après les clients qui m’assiégent, après les portes de ma maison qui grincent… Que sais-je ? Tout m’exaspère… Et puis je tombe dans mon fauteuil, je prends un livre d’histoire ou de philosophie… ou un roman, et je m’endors délicieusement dans l’oubli de ma maudite profession.

— Vous vous endormez délicieusement, monsieur Goefle, parce que vous avez, en dépit de vos nerfs malades, la conscience d’avoir fait quelque chose d’utile et de sérieux.

— Hom, hom ! pas toujours ! On ne peut pas toujours plaider de bonnes causes, et, même en plaidant les meilleures, on n’est jamais sûr de plaider précisément le juste et le vrai. Croyez-moi, Christian, il n’y a pas de sots métiers, dit-on : moi, je dis qu’ils le sont tous ; c’est ce qui fait que peu importe celui qui donne carrière au talent. Ne méprisez pas le vôtre : tel qu’il est, il est cent fois plus moral que le mien.

— Oh ! oh ! monsieur Goefle, vous voilà dans un beau paradoxe ! Allez, allez, nous vous écoutons. Vous allez plaider cela avec éloquence.

— Je n’aurai pas d’éloquence, mes enfants, dit