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bien que je vous aie lâchement renié en public. Pourquoi êtes-vous triste ?

— Je n’en sais rien, cher oncle ; c’est peut-être parce que je commence à devenir saltimbanque.

— Expliquez votre aphorisme.

— Il y a trois mois que je montre les marionnettes, c’est déjà trop. Dans une autre phase de ma vie que je vous ai racontée, j’ai fait le même métier pendant environ le même espace de temps, et j’ai éprouvé, quoique à un moindre degré (j’étais plus jeune), ce que j’éprouve maintenant, c’est-à-dire une grande excitation suivie de grands abattements, beaucoup de dégoût et de nonchalance pour me mettre à la besogne, une fièvre de verve, un débordement de gaieté ou d’émotion quand j’y suis, un grand accablement et un véritable mépris de moi-même quand j’ôte mon masque et redeviens un homme aussi rassis qu’un autre.

— Bah ! ce que vous racontez là, c’est ma propre histoire ; il m’en arrive autant pour plaider. Tout orateur, tout comédien, tout artiste ou tout professeur forcé de battre les flancs pendant une moitié de sa vie pour instruire, éclairer ou divertir les autres, est las du genre humain et de lui-même quand le rideau tombe. Je ne suis gai et vivant ici, moi, que parce que je n’ai pas plaidé depuis quatre ou