était sombre et misanthrope sous son habitude de raillerie acerbe et cynique.
Pendant que le baron dormait, la fête de nuit allait son train. Le bruit des pétards, la musique, les hurlements des chiens courants réveillés au chenil par le piaffement des chevaux qu’on attelait, les rires des dames dans les corridors du château, les clartés errantes sur le lac, tout ce qui se passait autour de cette chambre muette et sombre où gisait le baron immobile et livide faisait sentir au jeune homme son isolement et son esclavage. Et, pendant ce temps aussi, la comtesse Elveda conspirait avec l’ambassadeur de Russie contre la nationalité de la Suède, tandis que les cousins et arrière-cousins du baron surveillaient la porte de son appartement, se disant les uns aux autres :
— Il sortira, il ne sortira pas. Il est plus malade qu’il ne l’avoue ; il est mieux portant que l’on ne croit.
Comment savoir la vérité ? Les valets, très-dévoués à la volonté absolue d’un maître qui payait bien et punissait de même (on sait que les valets sont encore soumis, en Suède, au régime des coups), répondaient invariablement à toutes les questions, que M. le baron ne s’était jamais mieux porté ; quant au médecin, le baron lui avait fait donner, en le prenant chez lui, sa