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pouvait me mener loin, d’après le genre de vie frugal devant lequel je ne reculais pas. Je me fis donner une mission scientifique en règle, afin de ne pas être pris pour un vagabond ou pour un espion dans les pays étrangers, et je partis sans vouloir m’inquiéter de mes moyens d’existence au delà d’une année. La Providence devait pourvoir au reste. J’eusse pu cependant, avec les pièces qui constataient le but innocent et respectable de ma vie errante, obtenir quelque assistance pécuniaire des corps savants, et même de la bourse particulière des amis de la science. Je ne voulus rien demander, sachant combien la famille de Jussieu s’était épuisée en sacrifices de ce genre, et voulant me dévouer tout entier à mes risques et périls.

» Ici commence enfin pour moi une série de jours heureux. J’avais devant moi un temps illimité, du moins tant que mes ressources suffiraient. Ce n’était pas beaucoup dire. Aussi, pour le prolonger et satisfaire ma passion des voyages, je me mis d’emblée dans les conditions les plus économiques. À peine rendu à ma première étape, j’endossai un costume de montagnard solide et grossier ; j’achetai un âne pour porter mon mince bagage, mes livres, mes instruments et mon butin d’échantillons, et je me mis en route à pied pour les montagnes de la Suisse.