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rents des phrases maniérées des bergeries françaises de l’époque.

Christian avait beaucoup lu Marivaux, ce talent à deux faces, si minutieux d’esprit, mais si simple de cœur, si émouvant dans la passion. Il avait senti le côté vrai, le grand côté de ce charmant génie, et il excellait vraiment à faire parler l’amour. La scène sembla courte ; plusieurs voix s’élevèrent pour crier : « Encore ! encore ! » et Christian, cédant au désir du public, reprit Alonzo, qui était déjà sorti de ses doigts, et il le fit rentrer en scène d’une manière ingénieuse et naturelle. « Vous m’avez rappelé ? » dit-il à la jeune amoureuse, et ce mot si simple eut un accent si craintif, si éperdu et si naïf, que Marguerite mit son éventail sur son visage pour cacher une rougeur brûlante.

C’est qu’il se passait un étrange phénomène dans le cœur de cette jeune fille. Elle seule reconnaissait dans la voix d’Alonzo celle de Christian Goefle. C’est peut-être parce qu’elle seule avait assez parlé avec lui pour se la rappeler vivement. Et pourtant Christian Waldo donnait à dessein à la voix de son jeune personnage un diapason plus clair que celui qui lui était naturel ; mais il y avait de certaines inflexions et de certaines vibrations qui, à chaque instant, faisaient tressaillir Marguerite. À la scène d’amour, elle