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an de séjour à Paris, et au moment où j’allais peut-être m’y faire une position indépendante par mon travail et mon économie, je sentis un extrême dégoût de cette ville et un invincible désir de voyager. Massarelli était la cause principale de ce dégoût. Il n’avait pu supporter, comme moi, les privations et les angoisses de l’attente. Il avait, dans les premiers jours de misère, enlevé de chez moi le théâtre des marionnettes, et il avait essayé de gagner sa vie dans les carrefours avec des gens de la pire espèce. Malheureusement, il ne s’était pas attaché comme moi à corriger son accent, et il n’eut aucun succès. Il me retomba bientôt sur les bras, et j’eus à le nourrir et à le vêtir pendant plusieurs mois, qui furent bien difficiles à passer. Ensuite il disparut de nouveau, bien qu’il m’eût renouvelé ses beaux serments et qu’il eût essayé de travailler avec moi. Cependant je ne fus pas délivré de lui pour cela. Il ne se passait pas de semaines qu’il ne vînt, quelquefois ivre, me dévaliser. Je lui fermais la porte au nez ; mais il s’attachait à mes pas. Il fit enfin deux ou trois infamies moyennant lesquelles, ayant gagné quelque argent, il voulut me rendre tout ce que je lui avais donné, et, en outre, partager avec moi en frère, pleurer encore une fois dans mon sein ses larmes de vin et de repentir. Son argent et ses attendrissements me dé-