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rent vite derrière eux le docteur ès-sciences. Le bon Christian, toutefois, eut bientôt un remords. Comme il atteignait la rive, il se retourna et vit le pauvre savant qui le suivait de loin, péniblement, en faisant de nombreuses glissades. Il fallait qu’il fût réellement bien fatigué pour s’en apercevoir, lui qui ne vivait que par le cerveau et la langue, et surtout pour en convenir, lui qui avait la prétention d’être l’homme le plus robuste de son siècle.

— Si la force lui manque, pensa Christian, il est capable de rester là sur la glace, et, dans ce pays, un instant de repos forcé pendant la nuit peut être mortel, surtout à un être aussi chétif. Allons, attends-moi là, mon pauvre Jean !

Il courut à M. Stangstadius, qui s’était effectivement arrêté, et qui songeait peut-être à poursuivre son projet de dîner au Stollborg. Cette pensée, qui vint à Christian, lui fit doubler le pas ; mais Stangstadius, qui n’était pas en toute occasion aussi vaillant qu’il le prétendait, et qui avait conçu de fortes préventions contre un inconnu si peu prosterné devant son mérite, lui attribua soudainement de mauvais desseins contre sa personne, et, retrouvant ses jambes, il se mit à fuir dans la direction du Stollborg. Cela ne faisait pas le compte de Christian, qui se mit à courir aussi, et qui l’eut bientôt rejoint.