Page:Sand - L Homme de neige vol 2.djvu/161

Cette page n’a pas encore été corrigée

morale et physique ! Nous avons pour nous… »

Plus haut ! dit Christian, qui écoutait en riant le satirique plaidoyer de l’avocat.

— « Nous avons pour nous, reprit M. Goefle élevant la voix, la tradition de l’ancien monde, depuis Caïn jusqu’au grand roi Birger-Iarl, qui fit mourir de faim ses deux frères dans le château de Nikœping. Oui, messieurs, nous avons la vieille coutume du Nord et le glorieux exemple de la cour de Russie dans ces derniers temps. Qui de vous oserait opposer la petite morale aux grandes considérations de la raison d’État ? La raison d’État, messieurs ; savez-vous ce que c’est que la raison d’État ? »

— Plus haut ! reprit Christian ; plus haut, monsieur Goefle !

— « La raison d’État, cria M. Goefle en fausset, car sa voix ne se prêtait pas à un diapason très-élevé ; la raison d’État, c’est, à nos yeux… »

— Plus haut !

— Que le diable vous emporte !… Je m’y casserai le pharynx ! Merci, j’en ai assez, s’il faut hurler de la sorte.

— Eh ! non, monsieur Goefle ! je ne vous dis pas de parler plus haut ; depuis une heure, je vous élève le bras, et vous ne voulez pas comprendre que, si vous tenez ainsi la marionnette au niveau de votre