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mes intérêts matériels, me fut cependant si utile au point de vue moral, que je bénirai toujours le ciel de l’avoir faite. Il faut que je vous résume aussi brièvement que possible les avis que cet habile et excellent homme voulut bien me donner, gaiement, amicalement, sans pédantisme, durant un sobre souper que nous fîmes ensemble à l’auberge, au milieu des caisses qui contenaient notre bagage : nous devions nous séparer le lendemain.

» — Mon cher Goffredi, me dit-il, je regrette de vous quitter si vite, et le chagrin que vous en éprouvez, je le partage véritablement. Le peu de jours que nous avons passés ensemble m’a suffi pour vous connaître et vous apprécier ; mais ne soyez pas inquiet ni découragé de votre avenir. Il sera beau s’il est utile ; car, voyez-vous, je vais vous tenir un langage tout opposé à celui du monde, et dont vous reconnaîtrez le bon sens, si vous faites comme je vous conseille. D’autres vous diront : « Sacrifiez tout à l’ambition. » Moi je vous dis : « Sacrifiez avant tout l’ambition, » comme l’entend le monde, c’est-à-dire ne vous souciez ni de fortune, ni de renommée ; marchez droit vers un seul but, celui d’éclairer vos semblables, n’importe dans quelle condition et par quel moyen. Tous les moyens sont beaux et nobles quand ils ont ce but. Vous n’êtes qu’un bouffon, et moi, je ne suis