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rend l’ivresse triste. Cependant l’apparition, non pas d’une ourse, comme le croyait Nils, mais d’un fantôme lamentable dans le donjon, était une chose trop avérée pour que le pauvre Ulph pût garder un seul convive après le coucher du soleil. Alors il prenait le parti de s’achever, pour se donner du cœur, et c’est alors que lui apparaissaient les méchants trolls et stroemkarls, qui tâchent d’emmener leurs victimes dans les cascades pour les y précipiter. C’est probablement pour ne pas être tenté de les suivre que le judicieux Ulphilas buvait jusqu’à perdre entièrement l’usage de ses jambes. Il y avait bien, dans la nombreuse suite du baron, des laquais esprits forts et cosmopolites qui ne croyaient à rien ; mais Stenson les haïssait tous plus ou moins, et son neveu Ulph partageait ses antipathies.

Donc, Ulphilas Stenson avait de quoi faire bonne cuisine à M. Goefle, et il n’était pas maladroit pour frire et rôtir. Après tout, la gaieté de l’avocat l’avait un peu ranimé, et il se promettait de faire une bonne petite causerie en le servant ; mais ses idées riantes furent tout à coup troublées par des bruits étranges : c’était comme des frôlements furtifs dans l’épaisseur des murs, comme des craquements dans les boiseries vingt fois la poêle lui tomba des mains, et il y eut un moment où il lui sembla si bien que ses sou-