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déchirant sur les cailloux ces pieds que jadis elle réchauffait dans ses mains avant de me porter dans mon berceau ! Et mon père, ne me blâmerait-il pas de ce faux point d’honneur qui a fait de moi un meurtrier et un proscrit ?

» Je me rappelais la vivacité de caractère et la fierté chatouilleuse du noble Silvio, et pourtant il n’eût pas su manier une épée, lui, et il avait refusé de me donner un maître d’armes, disant qu’un homme avait l’honneur bien fragile quand il ne pouvait pas se faire respecter sans avoir une brette au flanc !

» Je jurai à la mémoire de ces chers et divins amis de réparer mes fautes, et, après avoir longtemps contemplé le ciel, où je m’imaginais pouvoir les supposer réunis dans quelque heureuse étoile, je repris le chemin du village, sans vouloir m’enquérir de ce qu’était devenue la villetta. De quel droit aurais-je été m’y livrer à de stériles regrets ? Ce n’était pas pour m’enrichir dans la paresse que Silvio me l’avait léguée. Il avait dû me bénir du fond de sa tombe lorsque j’avais tout aliéné et tout dépensé pour adoucir les derniers jours de sa veuve ; mais, ce sacrifice accompli, j’aurais dû travailler d’autant plus, et ne pas croire qu’un petit acte de dévouement domestique me donnait le droit de m’enivrer à la table de ceux qui n’ont rien à faire.