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ces. Les enfants du village me suivirent en criant de joie, pensant que j’allais leur faire des tours ; mais je les éloignai en jouant de la batte, et bientôt je me vis seul sur le rivage.

» J’arrivais à la nuit close ; la soirée pourtant était claire, et dans le limpide cristal du lac, où s’effacent avec le crépuscule les lignes de l’horizon, on croit côtoyer l’immensité des cieux étoiles et se promener, comme un pur esprit, sur je ne sais quelle fantastique limite de l’infini. — Ah ! que la vie est bizarre quelquefois, monsieur Goefle ! et que je faisais là un étrange personnage dans mon accoutrement grotesque, cherchant, comme une ombre en peine, sous les saules qui avaient grandi en mon absence, la tombe solitaire de mes pauvres parents ! — Je crus un moment qu’on l’avait ôtée de là, qu’on me l’avait volée ; car elle était bien à moi, c’était mon seul avoir : j’avais acheté de mes derniers écus le petit coin de terre bénite où j’avais déposé leurs restes.

» Enfin je la trouvai à tâtons, cette humble pierre ; je m’assis auprès, et, ôtant mon masque d’arlequin, j’y pleurai en liberté. J’y restai une partie de la nuit, absorbé dans mes réflexions, et voulant, avant de m’éloigner probablement pour toujours, résumer ma vie, me repentir de mes erreurs et prendre de