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En parlant ainsi, Cristiano monta en deux enjambées l’escalier de bois, se baissa de manière à cacher son corps derrière la rampe, éleva sa main sur cette rampe, et se mit à faire mouvoir la marionnette avec une adresse et une grâce infinies.

— Vous voyez bien, s’écria-t-il toujours gaiement, mais avec une conviction réelle ; voilà l’illusion produite, même sans théâtre et sans décors ! Cette figure, largement ébauchée et peinte d’un ton mat et assez terne, prend peu à peu dans son mouvement l’aparence de la vie. Si je vous montrais une belle marionnette allemande, vernie, enluminée, couverte de paillons et remuant avec des ressorts, vous ne pourriez pas oublier que c’est une poupée, un ouvrage mécanique, tandis que mon burattino, souple, obéissant à tous les mouvements de mes doigts, va, vient, salue, tourne la tête, croise les bras, les élève au ciel, les agite en tout sens, salue, soufflette, frappe la muraille avec joie ou avec désespoir… Et vous croyez voir toutes ses émotions se peindre sur sa figure, n’est-il pas vrai ? D’où vient ce prodige, qu’une tête si légèrement indiquée, si laide à voir de près, prenne tout à coup, dans le jeu de la lumière, une réalité d’expression qui vous en fait oublier la dimension réelle ? Oui, je soutiens que, quand vous voyez le burrattino dans la main d’un véritable artiste, sur un