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le rendez-vous des beaux esprits du cru et des individualités brillantes de la ville. On ne me demandait pas de moraliser mon élève, mais d’orner son esprit de choses agréables et légères. On ne me demandait, à moi, que d’être aimable avec tout le monde. Ce n’était pas difficile au milieu de gens frivoles et bienveillants ; je devins charmant, plus charmant qu’il ne convenait peut-être à un orphelin sans appui, sans fortune et sans avenir,

» Je menai peu à peu une vie assez dissolue, et, pendant quelque temps, je me trouvai sur la pente du mal, encouragé et comme poussé en bas par tout ce qui m’environnait, retenu seulement par le souvenir de mes parents et la crainte de devenir indigne du nom qu’ils m’avaient laissé ; car je dois vous dire que, par son testament, mon père adoptif m’avait intimé l’ordre de m’appeler Cristiano Goffredi, et c’est sous ce nom que j’étais connu à Naples. C’était une excellente recommandation pour moi que ce nom honorable auprès des personnes graves et sensées ; mais j’oubliai trop vite que ce nom roturier devait m’imposer une grande prudence et une grande réserve dans mes rapports avec la jeunesse titrée que je coudoyais chez le cardinal. Je me laissai aller aux prévenances de l’intimité. On me savait gré de n’avoir ni la gaucherie ni l’austérité d’un pédagogue