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» M. Goffredi, quoique très-exclusif dans ses études, était, quant au caractère, la plus généreuse nature que j’aie jamais rencontrée. Il réfléchit beaucoup sur mon compte, il consulta beaucoup la divine sensibilité de sa femme. Sofia Goffredi était ce qu’en Italie on appelle une letterata, non pas une femme de lettres, comme on l’entend en France, mais une femme lettrée, charmante, inspirée, érudite et simple. Elle m’aimait si tendrement, qu’elle croyait voir en moi un prodige ; à eux deux, ces excellents êtres décrétèrent qu’il fallait respecter mes tendances et ne pas éteindre ma flamme avant de savoir si c’était feu sacré ou feu de paille.

» Ce qui leur donna confiance en moi, c’est que cette disposition à laisser couler dans tous les sens ma source intellectuelle ne provenait pas d’une inconstance du cœur. J’aimais tous mes semblables avec candeur, mais je ne songeais pas à répandre ma vie au dehors. J’étais exclusivement attaché à ces deux êtres qui m’avaient adopté et que je préférais à tout. Leur société était mon plus grand, je pourrais dire mon unique plaisir en dehors des études variées qui me captivaient.

» Il fut donc décidé que mon âme m’appartenait, puisque c’était, à tout prendre, une assez bonne âme, et on ne m’imposa pas l’instruction universi-