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autre homme, trop bien nourri et trop dégoûté pour boire du sang, trop frileux pour guetter les passants sous la glace des lacs, mais capable d’envoyer son meilleur ami à la potence, pour peu qu’il eût un intérêt personnel à le faire, et qu’il n’y eût à dire qu’une parole méchante et calomnieuse.

— Voilà un grand misérable ! dit Cristiano ; mais permettez-moi d’être étonné de voir chez lui tant d’honnêtes personnes.

— Ah bien, oui ! répliqua Osmund sans lui donner le temps d’achever, c’est, en effet, un vilain métier que nous faisons là, de venir nous divertir aux frais et dépens d’un homme que nous haïssons tous. Vous avez pour excuse que vous ne le connaissiez point, tandis que nous autres…

— Je ne faisais pas d’application personnelle, reprit Cristiano.

— Je le sais bien, mon cher ; mais vous avez tort d’être étonné qu’un tyran ait une cour. Vous savez sans doute l’histoire de votre pays ; seulement, éloigné depuis bien des années, vous avez pu croire qu’un peu d’équilibre s’était fait, avec les progrès de la philosophie, dans l’influence légitime des divers ordres de l’État. Il n’en est rien, Christian Goefle, rien du tout, vous le verrez bientôt de vos propres yeux. La noblesse est tout : le clergé vient ensuite,