Page:Sand - L Autre.djvu/60

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rait votre visage livide… vos traits contractés par l’agonie ! Vous respiriez encore, j’eus peur et pitié… vous étiez si jeune pour mourir ! Je me baissai pour vous porter secours, Hélène vous vit alors… (Maxwell tressaille.) Elle vous connaissait, car elle s’échappa de mes bras et tomba sur vous en poussant des cris qui firent revenir sur ses pas celui qui vous avait frappé. Il tenait encore une arme qu’il agitait convulsivement… Je ne sais s’il me voyait, s’il avait conscience de quelque chose, mais il me sembla que, si je restais là, il allait tuer cette enfant qu’il n’avait pas voulu embrasser en se séparant d’elle… Je ne sais ce que je compris, je ne sais pas si je devinai… Je repris Hélène, je m’enfuis, je ne cessai de trembler pour elle que quand nous fûmes embarquées et loin du rivage !

MAXWELL.

Et elle se souvient ! dites ! elle se souvient, et je ne le savais pas !

JEANNE.

Ne lui parlez jamais de cela ! je lui ai persuadé à grand’peine qu’elle l’avait rêvé, mais longtemps il lui est resté une épouvante ; longtemps, elle a été poursuivie par le spectre d’un homme mort sur la neige. Elle voyait du sang sur elle, elle criait et pleurait à me déchirer le cœur. Elle me redemandait sa mère et son ami… Oh ! la douloureuse enfance, et que de mal vous lui avez fait déjà ! contentez-vous du passé !

MAXWELL.

Elle ne m’a pas oublié ! elle ne me reconnaît pas, elle me devine ! Elle a pour moi, pour moi seul, un regard si tendre et si profond… elle m’a vu blessé, mourant… elle s’est jetée sur moi, elle m’a embrassé, peut-être !… Ah ! c’est cela qui m’a empêché de mourir !… ma pauvre enfant, mon enfant !…

JEANNE.

Taisez-vous, taisez-vous, monsieur ! Madame ne soupçonne rien, je n’ai rien raconté ; le comte n’a jamais rien trahi ! elle regarde Hélène comme sa petite-fille, elle l’aime uniquement, et ce serait la tuer… vous ne le voulez pas, vous ne le