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suite, quand mon capital se serait arrondi dans les affaires, acheter une petite propriété et y vivre en bon gentilhomme sans dépendre de personne. Mon humble rêve est évanoui. Barthez me dit que c’est à recommencer. Fourvières me confie à un capitaine au long cours qui promet de me faire voir du pays. Ce n’est pas précisément mon goût : la mer, ça me rend malade ; le commerce, ça vous casse la tête ; les nouvelles connaissances, il y a des pays où ça vous mange, sans même vous faire cuire ! mais, puisqu’il n’y a plus d’autre ressource, après m’être demandé, ce matin, si je ne ferais pas sauter le peu de cervelle que je possède, j’ai pris mon parti, et je viens dîner avec toi en famille pour la dernière fois.

HÉLÈNE.

Non, Marcus ! Il ne faut pas t’en aller, je ne le veux pas.

MARCUS.

Veux-tu me faire croire que tu en mourras de chagrin ?

HÉLÈNE.

Je n’en mourrai pas, mais j’en aurai beaucoup.

MARCUS.

Ah ! pourquoi ? Est-ce que j’en vaux la peine ?

HÉLÈNE.

Je n’accepte pas l’idée qu’ayant passé presque toute ma vie avec toi, je serai heureuse en te sachant malheureux. Écoute, me voilà bientôt majeure et je n’ai aucune envie de me marier, ma bonne maman consentira à ce que je partage avec toi ce qu’elle compte me donner.

MARCUS.

Tu dis des bêtises pour le plaisir d’en dire. Tu sais fort bien que je n’accepterai jamais rien de toi.

HÉLÈNE.

Alors, tu es ingrat ; tu n’as aucune amitié…

MARCUS.

Si fait ! Avec ma bonne tante, tu es ma seule affection un